On a quitté Kemaliye ce matin, après 2 jours à butiner dans les environs proches. On a beaucoup d’images dans les yeux et dans la tête, ça tourbillonne. Elles s’agencent peu à peu comme le puzzle très incomplet de notre idée de la Turquie : à la fois un peu plus riche et plus profond, à la fois plus incertain quand à la mémoire des noms, qui se mélangent dès qu’on cherche à les ramener à la parole. C’est là que l’âge blesse.
On a décidé de changer de destination, nous ne passerons pas par Kangal mais par Sivas en passant par le lac Tödürge Gölü.
Rarement une même journée nous aura fait connaitre des extrêmes comme celle-ci : très chaud dès le matin avec rapidement un 30 degrés qui s’installe comme ça l’air de rien, et un 7 degrés à 15 heures qui débaroule sous une averse de grêle très dense. Je crains qu’il faille nous faire à ces météos des extrêmes, dont la télé Turque passe en boucle toutes les outrances, qui se matérialisent chez eux souvent par des crues soudaines et intempestives.
Journée de route aujourd’hui, à tomber à l’arrêt, plusieurs fois, de ces paysages colorés et profonds.


Ce jeu subtil de couleurs est un bonheur permanent… C’est à se demander si la végétation et les minéraux formant les paysages ne se livreraient pas à un petit jeu de composition permanent…
Et puis nous arrivons à Divrigi, gros bourg de montagne, une cité comme on les aime : accueillante, paisible, vivante. On s’y sent comme dans un village, avec ses marchands de fruits et légumes, ses échoppes de chorba, döner, kebap ou lahmacun, ses barbiers, ferblantiers, marchands de tissus, de produits agricoles, un peu partout, pourtant, les banques ainsi qu’une certaine fébrilité tendraient à lui donner le statut de ville.
On grimpe voir la grande mosquée dite Ulu Camii, qui abritait également un hôpital au 13e siècle. On dit qu’ici une source aurait été bénéfique aux patients souffrant de troubles mentaux, je n’ai malheureusement pas pu le vérifier.
Pas de chance pour nous, mais grande chance pour elle : d’importants travaux de restauration la tiennent à distance du public. Seules nous sont accessibles, les deux entrées de l’hôpital, de loin.


On y apprend que ce joyau de l’architecture a été fondé par Melike Turan Melek, fille de l’Emir d’Erzincan en 1228. L’hôpital a aussi été dirigé par des femmes, montrant s’il était besoin, selon l’UNESCO, l’égalité hommes-femmes au 13e siècle.

Nous reprenons nos butinages un peu plus bas.

Ces cerises seront très bien pour un dessert tout en roulant.
Cette maison a bien vécu, elle a gardé malgré les avaries, sa classe et sa beauté. Évidemment, il y aurait beaucoup de travaux à faire pour y habiter… Je reste impressionné par la simplicité et la solidité de ces structures de bois et de terre.

C’est en face d’elle qu’on s’installe au café pour manger un lahmacun, sorte de crêpe assez mince de pâte circulaire ou ovale, sur laquelle est disposée une farce de viande hachée (le plus souvent de l’agneau) et de légumes finement découpés (tomates, poivrons, oignons) avec des plantes aromatiques (persil, basilic, coriandre). Il est souvent servi enroulé autour de feuilles de salade, persil, oignons et agrémenté de basilic. Il est parfois relevé d’un peu de citron pressé, selon le goût de chacun.


Nous reprenons notre route pour le lac Tödürge Gölü où on espère pouvoir passer la nuit en bivouac.

Des paysages encore, toujours étonnants et variés…

Jusqu’à ce que l’orage nous saisisse en pleine côte, nous contraignant à ralentir…

Puis à nous arrêter tant la grêle tombe serrée en forme de petits pois bien gelés.

Nous reprenons la route jusqu’au lac mais l’orage a transformé les petits chemins de désserte en boue, et nous renonçons à nous engluer par ici. Nous nous replions à Sivas dans un hôtel pour la nuit.
Demain, direction Boraboy Gölü où nous prévoyons de nous arrêter 2 nuits. Après demain nous y retrouverons Raphaël et Marie-Christine !